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De la triste condition des femmes africaines

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Afro-Maghreb, 21 septembre 2011
Akram Belkaïd, Paris
Il ne fait pas bon d’être une femme dans nombre de pays africains. C’est la conclusion d’une étude menée par l’hebdomadaire américain Newsweek sur 165 pays intitulée « Women in the world » et publiée dans le numéro daté du 26 septembre (édition européenne). Ainsi, dans la liste des vingt pires endroits pour être une femme, quinze sont africains. En tête de cette peu glorieuse liste on trouve le Tchad où, juge l’hebdomadaire, « les femmes n’ont pratiquement aucun droit » et où les « mariages sont arrangées alors que les jeunes filles ont onze ou douze ans ».
La République démocratique du Congo occupe quant à elle la 4ème place. « Les violences domestiques sont parmi les pires du monde », relève Newsweek qui précise que 1.100 femmes y sont violées quotidiennement ». La RDC est immédiatement suivie par le Mali (5ème) où « la majorité des femmes ont été sujettes à des mutilations génitales » et où « il n’existe aucune législation pour interdire ces pratiques ».

Vient ensuite le Niger (7ème) où les « lois protégeant les jeunes filles des mariages forcées ne sont pas appliquées » et où « le taux de mariage des filles de 10 ans est alarmant ». L’Ethiopie (9ème) est pointée du doigt du fait de l’inefficacité de sa loi sur l’avortement, ce pays ayant l’un des « taux les plus élevés en matière d’avortements risqués dans le monde ». Quant au Soudan (10ème) il n’offre aucune place aux femmes en politique contrairement au Sud-Soudan qui a imposé des quotas féminins dans le gouvernement. Les autres pays épinglés par le classement sont : la Guinée (11ème), le Sierra Leone (12ème), le Nigeria (13ème), la Guinée-Bissau (14ème), le Bénin (15ème), la Côte d’Ivoire (16ème), le Cameroun (17ème), la République de Centrafrique (18ème) et la Mauritanie (20ème). Les autres pays (non-africains) de ce « naming & shaming » (nommer pour faire honte) est l’Afghanistan (2ème), le Yémen (3ème), les îles Salomon (6ème), le Pakistan (8ème) et l’Arabie Saoudite (20ème). On notera donc l’absence dans ce classement des pays maghrébins (Libye comprise) et de la large présence de pays sahéliens et/ou francophones.

Quant à la liste des meilleurs endroits où être une femme, elle ne contient aucun pays africain même si Newsweek consacre un petit portrait à la Camerounaise Kah Walla, candidate à la présidentielle d’octobre prochain. En tête du classement vertueux arrive l’Islande, respectivement suivie par la Suède (2ème), le Canada (3ème), le Danemark (4ème), la Finlande (5ème), la Suisse (6ème), la Norvège (7ème), les Etats-Unis (8ème), l’Australie (9ème), les Pays-Bas (10ème), la Nouvelle-Zélande (11ème), la France (12ème), le Luxembourg (13ème), le Portugal (14ème), la Macédoine (15ème), la Moldavie (16ème), les Philippines (17ème), la Belgique (18ème), la Grande-Bretagne (19ème) et la Roumanie (20ème). On notera le rang mitigé de la France et l’absence de l’Italie et de l’Espagne dans ce classement, ces deux pays étant encore marqué par un taux important de violences conjugales. A noter aussi la présence étonnante des Philippines et de la Roumanie.

Sur le plan méthodologique, Newsweek a réalisé son classement sur la base de cinq critères.

- La justice : existence ou non de lois protégeant les femmes contre les violences conjugales, les mariages forcés ainsi que leur accès aux prêts bancaires et aux droits de propriété.
- La santé : prise en compte du taux de mortalité féminine et infantile, d’infection par le VIH et de sûreté de l’avortement.
- L’éducation : niveau d’éducation, parité à l’école,…
- L’économie : pourcentage des femmes dans la population active, écart de salaires entre sexes, accès des femmes à tous les secteurs d’activité,…
- Politique : part des femmes dans les gouvernements y compris à haut niveau.

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2 réactions :

  1. Le 21 septembre 2011 à 15 h 01 min
    Pourtant le rêve est nécessaire. Qui en 1900 aurait imaginé que les femmes pourraient maîtriser leur fécondité ? Si, au 21e siècle, un monde sans prostitution et sans violences paraît illusoire à certains, d’autres sont capables d’y rêver, mieux, de le revendiquer… C’est cette «minorité» particulière, qui compte dans ses rangs plus de la moitié de l’humanité, qui fera tomber les obstacles du long chemin qui reste encore à parcourir.
  2. ousset
    Le 21 septembre 2011 à 15 h 17 min
    on a beau tourner le probleme dans tous les sens la plupart de ces pays sont beaucoup trop retrograde et n évoluerons quasiment pas n en deplaise aux doux réveurs. malgres l acces grace aux nouvelles technologie a une vision du monde plus globale les hommes prefere garder ce mode de fonctionnement archaique basé sur un controle total de la femme des ça plus tendre enfance …ci enfance il y a.

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Quelques questions fondamentales à propos du Rwanda

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Afro-Maghreb (SlateAfrique), 14 septembre 2011
Akram Belkaïd, Paris

Il y a très peu de points communs entre l’Algérie et le Rwanda à part peut-être le fait que quelques militaires rwandais ont fait leurs études dans les académies algériennes dans les années 1980. Mais comme l’a expliqué le colonel français Jacques Hogard à la journaliste Maria Malagardis dans un article publié par SlateAfrique, la mise en cause de l’armée française pour son rôle supposé dans le génocide de 1994 est très certainement la plus grave depuis la Guerre d’Algérie. Comme nombre d’officiers ayant participé à l’opération Turquoise, le colonel Hogard dénonce les accusations récurrentes à l’encontre d’une armée française accusée, notamment par l’actuel pouvoir rwandais, d’avoir non seulement protégé les génocidaires mais d’avoir aussi participé aux tueries. «À ma connaissance, il n’y a pas d’équivalent, jamais nous n’avons été à ce point dénigrés. Sauf peut-être en Algérie? Avec le Rwanda, on se trouve face à une seconde guerre d’Algérie» a ainsi relevé l’officier supérieur qui commandait une zone protégée dans le sud-ouest du Rwanda.

Y-a-t-il eu oui ou non génocide ? Qui en était l’auteur ?

Il est évident que cette question du rôle, supposé ou réel, de l’armée française durant le génocide de 1994 va encore faire couler beaucoup d’encre. Mais, dans le même temps, il s’agit de l’une de ces controverses dont l’exacerbation permet le plus souvent de faire oublier l’essentiel et d’offrir matière à des manœuvres dilatoires qui fleurent bon le négationnisme. Car, dans cette triste affaire, il y a d’abord deux questions essentielles : Y a-t-il eu, oui ou non, génocide à l’encontre des Tutsis ? Et, si oui, qui en était l’auteur ? Les réponses à ces deux interrogations devraient servir de base de départ pour toute discussion or, on voit bien que nombre de positions françaises sont loin d’être tranchées. En France, en 2011, le génocide des Tutsi continue ainsi d’être relativisé ou bien alors son évocation est accompagnée d’autres considérations qui tendent à en diminuer la portée et la gravité. Oui, entend-on, des Hutus ont bien massacré des Tutsis mais ces tueries se seraient inscrites dans un cycle de violences réciproques avivées par la guérilla (tutsie) du Front patriotique rwandais (FPR). En clair, tout cela ne serait que la conséquence malheureuse d’une guerre civile entre forces égales…
Le point d’orgue de ce discours biaisé est atteint lorsque la cause du génocide est attribuée, comme l’ont fait le juge Bruguière ou l’écrivain-enquêteur Pierre Péan, à l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyriamana. Un attentat, affirment les révisionnistes et les relativistes de tous poils, qui serait le fait du FPR de Paul Kagamé. Là aussi, par un étrange tour de passe-passe, on transfère la responsabilité du génocide commis par les Hutus au FPR, ce dernier étant accusé d’avoir provoqué en retour les tueries. Passons sur le fait que cette thèse ignore allégrement les semaines et semaines de bourrage de crane médiatique menée par la propagande de la tristement célèbre Radio mille-collines. Qui peut croire qu’un seul attentat, même ayant visé le président rwandais, pouvait déboucher sur des tueries d’une telle ampleur ? En réalité, cette controverse autour du rôle ou non du FPR dans la mort d’Habyriamana permet de faire passer le génocide au second plan et d’occulter le rôle sanglant des milices hutues interahamwe et, de façon plus particulière, celui de l’Akazu, ce groupe de personnalités hutues qui a conçu et préparé le génocide. De même, c’est une chose que de constater que le régime rwandais est tout sauf démocratique et, c’en est une autre que de mettre en avant cette réalité pour nier ou minimiser le génocide. Que Kagamé soit un dictateur ne doit pas donner le droit de s’appuyer sur cette réalité pour tenter de réécrire l’histoire du génocide rwandais.

Pourquoi la France n’a-t-elle pas mis fin aux massacres ?

Par ailleurs, la quasi-sacralisation de l’opération Turquoise offre, là aussi, des outils dilatoires aux autorités françaises, qu’elles soient politiques ou militaires. Trop souvent, une confusion est savamment entretenue autour de l’objectif de cette opération que nombre de Français pensent sincèrement avoir servi à mettre fin au génocide tutsi. Or, ce n’est malheureusement pas le cas puisqu’au-delà de ses objectifs humanitaires d’interposition, cette opération a permis à nombre de miliciens génocidaires de fuir. De là, se posent deux autres questions fondamentales et, là-aussi, préalable à toute discussion sur l’affaire rwandaise : pourquoi les autorités françaises ont-elles soutenu le régime rwandais jusqu’au moins la fin mai 1994 ? Et pourquoi les militaires français n’ont-ils pas mis au pas les milices interahamwe ? Selon le général canadien Roméo Dallaire, qui commandait le bataillon de l’ONU présent au Rwanda pendant le génocide, une simple démonstration de force de la part de l’armée française aurait suffi à ramener le calme. Ce ne fut malheureusement pas le cas. Comme on le voit, la question n’est pas de s’interroger sur le soutien français au régime d’Habyriamana mais d’avoir des explications sur ce qui s’est passé pendant les tueries. Voilà donc les questions autour desquelles les positions des uns et des autres doivent être éclaircies à moins de vouloir continuer à entretenir la confusion au bénéfice des négationnistes de tous bords.
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